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Nos objectifs

Le thème central de notre groupe de recherche porte sur la psychose et les symptômes psychotiques.

Notre objectif est d’identifier, étudier et modifier les processus psychologiques — c’est-à-dire les facteurs proximaux — impliqués dans l’étiologie, le maintien, la rémission et la rechute des expériences psychotiques, que ce soit chez des personnes ayant reçu un diagnostic formel ou issues de la population générale.

Nous nous intéressons également à la manière dont les facteurs de risque transdiagnostiques distaux (par ex. traumatismes précoces) interagissent avec les facteurs proximaux pour créer les conditions favorables au développement d’expériences psychotiques.

Projets de Recherche

Processus cognitifs et émotionnels associés à la psychose

Ce programme de recherche global se divise en deux axes principaux :

  1. Régulation émotionnelle et psychose

  2. Pensées répétitives et délires

Il est désormais bien établi qu’une réactivité émotionnelle accrue précède souvent les expériences psychotiques (Delespaul et al., 2002; Kramer et al., 2014; Myin-Germeys & Os, 2007).
Ainsi, les stratégies utilisées par les individus pour faire face à ces émotions jouent un rôle essentiel dans la compréhension de l’apparition et du maintien de la psychose, ainsi que dans la réduction de la souffrance et du handicap associés à ces expériences.

L’un des objectifs centraux de notre programme est donc de mieux comprendre la régulation émotionnelle et son rôle dans les expériences psychotiques.
Nos travaux reposent sur deux principes clés :

  • Les symptômes psychotiques sont transdiagnostiques et doivent être étudiés indépendamment de la présence ou non d’un diagnostic psychiatrique (van Os et al., 2009).

  • La régulation émotionnelle doit être étudiée en lien avec le contexte dans lequel elle se manifeste (Aldao et al., 2015), tout en tenant compte de sa nature dynamique.

Cette approche fait référence au concept de flexibilité de régulation émotionnelle, défini comme la capacité d’un individu à mobiliser un répertoire de stratégies de régulation adaptées aux exigences contextuelles (Bonanno & Butler, 2013).
Des études récentes suggèrent que certaines étapes de cette flexibilité pourraient être altérées chez les personnes souffrant de troubles psychotiques (Visser et al., 2018) et associées à des expériences psychotiques dans la population générale (Bortolon et al., 2023; Nardelli et al., 2022; Nardelli et al., sous presse).

Nous cherchons à mieux comprendre comment la flexibilité de régulation émotionnelle influence les expériences psychotiques.

Dans cette perspective processuelle et transdiagnostique, la rumination — forme de pensée répétitive — est l’un des processus les plus étudiés (Aldao et al., 2010; Olatunji et al., 2013).
Si la rumination a d’abord été explorée dans le cadre de la dépression (Michl et al., 2013; Nolen-Hoeksema, 2000), elle est également impliquée dans d’autres troubles mentaux et états psychologiques anormaux (Aldao et al., 2010; Harvey & Watkins, 2004).
Les données convergentes indiquent que la rumination et l’inquiétude pourraient contribuer au maintien des idées paranoïdes (Bortolon et al., 2019; Freeman & Garety, 2014).
Plus récemment, il a été montré que la rumination pouvait accroître l’affect positif et les idées de grandeur dans la population générale (Bortolon et al., 2019; 2023) et être associée à des délires de grandeur dans des échantillons cliniques (Isham et al., 2023).
Nous cherchons à préciser le rôle de ces pensées répétitives et à identifier les caractéristiques qui prédisent le mieux les idées et délires grandioses.

Caractérisation phénoménologique et neurocognitive du continuum entre imagerie mentale et hallucination

En l’absence de condition pathologique, les hallucinations (Ha) sont désignées comme des expériences hallucinatoires de type hallucinatoire (HLE ; Vellante et al., 2012).
Ces formes atténuées d’expériences psychotiques, observées dans la population générale, soutiennent l’hypothèse du continuum de la psychose (van Os et al., 2000, 2009).
Ce continuum peut être envisagé selon deux dimensions :

  • un continuum de risque (risque accru de développer une psychose),

  • un continuum d’expérience, où différents phénomènes se situent le long d’un même spectre (Larøi, 2012).

Notre projet se concentre sur ce continuum d’expérience, en explorant les similarités entre différents phénomènes mentaux tels que les rêveries vives, les pensées intrusives ou l’imagerie mentale intense.
Des niveaux élevés d’imagerie mentale, de pensées intrusives ou d’altérations perceptives — lorsqu’ils sont vécus comme non désirés et incontrôlables — pourraient augmenter la probabilité d’expérimenter des hallucinations (Waters et al., 2006; Morrison et al., 1995).

Les expériences de type hallucinatoire ne se limitent donc pas à la perception de voix ou d’images inexistantes, mais incluent aussi des expériences courantes :

  • erreurs de perception bénignes (par ex. entendre quelque chose dans un environnement bruyant),

  • imagerie verbale auditive (entendre clairement la voix d’autrui pendant un dialogue intérieur ou une lecture),

  • imagerie visuelle vive (avoir la sensation visuelle nette d’une personne absente) (Aynsworth et al., 2022; Toh et al., 2022).

D’autres phénomènes tels que les expériences hallucinatoires liées au sommeil, les rêveries ou les pensées intrusives peuvent aussi être inclus dans ce continuum.
Notre objectif est d’identifier les points communs et différences entre ces expériences et d’élaborer un cadre théorique intégratif reliant les approches de la psychologie clinique, cognitive, la linguistique et les neurosciences, auprès de populations cliniques et non cliniques.

Ce projet est mené en collaboration avec Clément Dondé, Hélène Lœvenbruck, Alan Chauvin, Jean-Baptiste Eichenlaub et d’autres partenaires, avec le soutien du CerCoG – Université Grenoble Alpes.

Hallucinations auditives : rôle des processus cognitifs, affectifs et sensoriels

Les hallucinations auditives (HA) figurent parmi les expériences les plus fréquentes (40 à 80 %; Larøi et al., 2012) et les plus perturbantes pour les personnes atteintes de psychose, entraînant détresse et altération du fonctionnement social (de Leede-Smith & Barkus, 2013).
Elles peuvent également être présentes dans d’autres troubles mentaux ou neurologiques, et même dans la population générale (Waters & Fernyhough, 2017).
La prévalence des expériences de voix dans la population générale varie entre 5 % et 15 %, ce qui en fait un modèle pertinent pour étudier les facteurs psychologiques associés aux HA en dehors des variables cliniques confondantes (Kelleher & Cannon, 2011).

L’adoption d’une approche centrée sur les symptômes a récemment permis des avancées majeures dans la compréhension des mécanismes sous-jacents aux hallucinations auditives (Read et al., 2004).
Les modèles cognitifs récents (Waters et al., 2012) soulignent l’importance de considérer à la fois les processus top-down (cognitifs et émotionnels) et bottom-up (sensoriels) dans la compréhension des HA.
Cependant, ces deux dimensions ont rarement été étudiées conjointement, alors même que la perception résulte de leur interaction.

Ce projet, soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), vise à mieux comprendre l’articulation entre processus cognitifs, affectifs et sensoriels dans la genèse des hallucinations auditives.

Comment bien évaluer les expériences psychotiques?

Les études méta-scientifiques en psychologie ont mis en évidence plusieurs difficultés concernant la qualité et la transparence des mesures, notamment en matière de validité, de fiabilité et de clarté du reporting (Smailes et al., 2021; Barry et al., 2014; Weidman et al., 2017).
De nombreuses échelles supposées mesurer un même construit évaluent en réalité des expériences différentes — un phénomène appelé “jingle-jangle fallacy” (Weidman et al., 2017).
Ce problème compromet la comparabilité des résultats entre études (de Beurs et al., 2022).

Dans le champ des expériences psychotiques, plusieurs limites ont été identifiées :

  • validité de contenu et invariance de mesure insuffisantes (Statham et al., 2019),

  • différences de validité de construit entre versions d’une même échelle (Smailes et al., 2021),

  • manque de transparence dans le rapport des propriétés psychométriques (Aynsworth et al., 2017).

Nos travaux visent à mieux comprendre les pratiques de mesure des expériences psychotiques et à évaluer la qualité psychométrique des outils utilisés pour les étudier.